André Lhote écrivait « On ne voit bien que lorsqu’on est ébloui ». Seulement, au sens littéral, l’éblouissement peut être un facteur d’accidents de la route. La nuit, les risques sont démultipliés. On compte jusqu’à 7 fois plus d’accrochements sur la route lorsque le jour s’éteint. Un quart des accidents mortels a lieu entre 2 et 6 heures du matin alors que le trafic de nuit ne représente que 10% du trafic global. La fatigue, le manque de visibilité ou encore la vitesse sont souvent à l’origine de ces accidents, mais pas seulement.
La nuit, votre capacité visuelle diminue intrinsèquement et il faut faire d’autant plus attention. Des pathologies ainsi que le vieillissement de vos yeux peuvent rendre votre vision nocturne très difficile, c’est ce qu’on appelle la cécité nocturne. C’est un type de déficience visuelle qui, en fonction de l’origine, peut être traité. Voici nos conseils ainsi que des explications pour comprendre cette cécité en un clin d’œil.
Le fonctionnement de l’œil
La nuit, votre œil s’adapte à l’obscurité. La vision nocturne, également appelée vision scotopique, se déclenche lorsque vos pupilles et vos rétines s’ajustent automatiquement à la pénombre. A la lumière, la pupille des yeux reste relativement petite pour protéger la rétine au fond de votre œil. Mais dans l’obscurité, en ouvrant grand les pupilles, vos yeux s’ajustent pour recueillir un maximum de rayons lumineux.
Sur la rétine, des millions de cellules en forme de bâtonnet ou de cône transforment la lumière en impulsions électriques. Ces dernières sont transportées le long du nerf optique jusqu’au cerveau qui les interprète, les comprend, et les « voit ». C’est ainsi que vos yeux servent de lien entre le monde extérieur et votre cerveau. Les bâtonnets et les cônes sur la rétine réagissent chacun à différents types de lumière. Les cônes captent particulièrement bien les lumières vives, les couleurs et les détails fins, mais sont moins utiles dans l’obscurité. Le nombre total de bâtonnets sur la rétine humaine (91 millions) dépasse de loin celui des cônes (environ 4,5 millions). Les bâtonnets participant à la vision périphérique, sont beaucoup plus sensibles à la lumière et indispensables dans les environnements à faible luminosité. Cependant, ils ne permettent malheureusement pas de traiter la couleur. C’est pourquoi votre vision nocturne est plutôt terne. Les cônes commencent à s’activer et contribuent à la vision colorée lorsque la quantité de lumière se rapproche de celle émise par une nuit étoilée.
Pathologies et vieillissement de l’œil, leurs impacts sur votre vision nocturne
Cataracte et obscurcissement de la vision de nuit
La cataracte trouble le cristallin, la lentille de l’œil, juste derrière la pupille. En vieillissant, les cellules s’y divisent puis meurent et des débris s’y accumulent naturellement. La lumière qui entre dans vos yeux en est déformée. C’est indolore mais cela provoque un obscurcissement, un floutage de la vision ou encore des halos autour des lumières la nuit. Une cataracte non traitée entraîne un allongement du temps de réaction, correspondant à une distance d’arrêt de 12 mètres supplémentaires à une vitesse de 130 km/h.
Bon à savoir : un bain de soleil prolongé est un facteur de risque majeur de développer une cataracte.
Glaucome et réduction du champs visuel
Un glaucome peut aussi impacter votre vision de nuit et vos réflexes. Votre champ visuel est réduit et votre sensibilité à la lumière est accrue. De plus, certains traitements du glaucome accentuent le phénomène de sensibilité à la lumière.
Diabète et endommagement des yeux
Une glycémie élevée sur le long terme a tendance à endommager les petits vaisseaux sanguins et les nerfs de vos yeux. Cela peut entrainer une rétinopathie, susceptible d’être à l’origine de problèmes de vision nocturne.
Myopie nocturne et mauvaise perception des contrastes
La myopie nocturne, différente de la myopie, cause une réduction du champ visuel, une baisse de la vision des contrastes et une réduction de votre acuité visuelle. Avec une correction adaptée, la myopie nocturne peut facilement être corrigée.
Le vieillissement naturel de l’œil
Comme toutes les parties du corps, vos yeux et votre vision changent avec le temps.
Vieillissement de la pupille et du cristallin
En vieillissant, les pupilles rétrécissent et sont moins réceptives à la lumière, le cristallin perd en souplesse mais aussi en transparence, ce qui provoque des troubles de la mise au point, en particulier pour la vision proche. La perte de transparence peut aussi rendre plus difficile la distinction de certaines nuances de couleurs, dès 65 ans. A 80 ans, elle est environ 18 fois inférieure à celle d’une personne de 20 ans.
Difficultés à identifier les informations à distance
Avec le temps, la reconnaissance des informations à distance devient aussi plus difficile. On peut observer une réduction marquée des « champs d’attention », en conduisant, la capacité à garder un œil sur l’objet devant vous tout en vous occupant, par exemple, d’une personne qui traverse la rue est diminuée.s
Changement hormonaux et assèchement des yeux
L’assèchement des yeux en vieillissant n’aide pas. Avec le temps, les glandes lacrymales de vos yeux produisent moins de larmes, en particulier chez les femmes qui subissent des changements hormonaux. Cela peut irriter vos yeux et brouiller votre vue.
Nos conseils pour conduire de nuit
Comme nous l’avons vu, la nuit, l’environnement est beaucoup moins contrasté pour l’œil humain. Il est essentiel d’être tout yeux tout oreilles pour réduire les risques d’accident.
Vous pensez souffrir de cécité nocturne ? Voici quelques conseils que vous pouvez lire les yeux fermés !
Les risques de l’éblouissement
Avec l’âge, vous mettez également plus de temps à vous remettre d’un éblouissement. A 20 ans, il faut environ 20 secondes pour passer de l’extérieur à voir dans une pièce sombre, mais à 80 ans cela peut prendre jusqu’à 2 minutes.
De manière générale, la vision nocturne des humains est relativement mauvaise comparée au reste du règne animal, et même très lente. Il nous faut entre 5 à 8 minutes pour que nos yeux s’adaptent à l’obscurité et 40 minutes pour un ajustement parfait dans l’obscurité.
Pas surprenant donc que les zones d’ombre et de lumière se succédant sur les routes éclairées ne soient pas évidentes à voir !
Lorsque vous conduisez la nuit, vous pouvez facilement être ébloui par d’autres voitures, des éclairages de rue ou encore le reflet de vos phares sur les panneaux de signalisation. Quand cela vous arrive, votre œil a besoin de 3 à 10 secondes pour s’adapter, ce qui est long sur la route. Il est important d’en être conscient et d’adapter sa vitesse de conduite en conséquence pour éviter les accidents.
Nos conseils en cas d’éblouissement
Plus il fait sombre, plus le risque d’éblouissement par de forts contrastes lumineux est important, gardez l’œil ouvert ! Pour réduire les risques, pensez à :
- porter votre regard droit devant vous ou bien en bas à droite sur la bande blanche de la route.
- régler vos rétroviseurs en mode nuit afin qu’ils ne renvoient pas la lumière des phares du véhicule derrière vous. Vous pouvez aussi porter des lunettes aux verres polarisants destinées à la conduite nocturne qui réduisent l’intensité lumineuse.
- Si vous portez des lunettes, choisissez des verres avec un traitement pour réduire les reflets, ou polarisants pour réduire l’intensité lumineuse. Gardez leurs verres, y compris pour les lunettes de soleil, propres. La saleté à l’intérieur ou à l’extérieur de vos verres peut perturber le filtrage de la lumière et la diffuser. De même, gardez votre pare-brise et les vitres de votre voiture propres à l’intérieur et à l’extérieur.
- Il est possible de tester la capacité de vos yeux à voir dans ces conditions. Le test de sensibilité au contraste Pelli-Robson est la méthode la plus couramment utilisée par les ophtalmologues. Elle vérifie votre capacité à détecter des lettres qui deviennent moins contrastées sur fond blanc.
Ouvrez les yeux sur le fonctionnement de votre vision afin d’identifier un potentiel problème de cécité nocturne. Mais ces conseils ne se substituent pas à un examen complet de la vue. Votre médecin pourra déterminer la cause sous-jacente de vos troubles visuels et vous orienter vers des solutions plus adaptées.